Cela fait maintenant 8 mois que je viens régulièrement à Castelnau- Montratier et plus particulièrement à la maison de retraite. Je ne perçois plus les lieux de la même manière car les personnes m’ont appris à les regarder différemment. Le petit recoin de l’entrée est la discothèque, le salon du rez-de-chaussée, une salle de jeux, le réfectoire du premier est l’atelier de pliage du linge d’un groupe de femmes, le bout du couloir est, le temps des repas, la salle à manger d’un couple vivant-là, etc. J’aime particulièrement cette redéfinition des lieux où je travaille qui apparaît lorsqu’à force de les observer et de les fréquenter, ils deviennent des espaces vécus. La relation tissée avec les personnes a également toute son importance : elle permet des échanges plus intimes sur la vie privée des gens, sur les sentiments éprouvés, sur les envies et besoins ressentis. Comment aurais-je pu imaginer il y a presque un an, lorsque je suis venue en repérage à l’ehpad que je vivrais une telle expérience humaine et artistique ? Le regard que je porte sur le lieu et sur les autres maisons de retraite ne sera plus le même à présent. Jusque-là, je n’avais pas pris conscience de ce que la vie en collectivité peut provoquer comme relation à l’autre et aux lieux. Je n’avais pas mesuré ce qu’un tel espace, pourtant encore aseptisé, car récent, pouvait révéler dans l’imaginaire de celles et ceux qui l’habitent. J’ai toujours été fascinée par l’expérience sensible des espaces domestiques, cette « poétique de l’espace8 », c’est-à-dire tout l’imaginaire qui se déploie dans un lieu vécu ; pour autant, je n’avais pas envisagé retrouver ces caractéristiques dans les parties communes d’une institution médico-sociale. Finalement, ce sont moins les chambres qui m’ont intéressée que les espaces communs, ces lieux de rencontre où l’on peut faire société.
Ainsi, la dernière semaine que je passe essentiellement à l’Ehpad en raison de l’annulation de rencontres chez des personnes de Lot Aide à Domicile et avec le Foyer de Vie, est l’occasion d’observer avec la vidéo, plus en détail l’occupation des espaces communs. La confiance mutuelle avec les personnes travaillant ou vivant sur place, me permet sans difficulté de poser mon appareil où et quand je le souhaite pour filmer des moments de vie au sein de l’établissement. Une fois le cadre posé, je laisse tourner et entre parfois dans l’image lorsqu’on m’y invite. Je filme des moments que j’ai en tête depuis mes premières venues : des chants occitans dans la discothèque du rez-de-chaussée, des séances de pliage de linge au premier, des moments de jeu dans la salle du milieu, des balades dans les jardins, des séances de jardinage, etc. Je m’éloigne finalement de mon fil rouge qui était au départ la cuisine, car je veux garder en mémoire et partager des images de la vie du lieu. Je commence à visualiser un montage pouvant évoquer la vie sur place et prendre le contre-pied d’un imaginaire sombre associé à la vie en institution ne laissant pas suffisamment place à la diversité des situations existantes au sein de tels établissements.
Parvenir à s’épanouir ici, ne pas subir mais vivre, flirter, rigoler, danser, se moquer parfois : c’est ça que je veux montrer d’elles et eux, non pas des vieux et des vieilles qui subissent et sont victimes d’une institution parfois maltraitante ou du moins négligente (ce qui n’est pas du tout le cas ici), mais des personnes en capacité de recréer un microcosme, prenant des initiatives comme Aristide, le barman du petit déjeuner, Maïté la DJ, Simone et Lucienne les lingères du premier, ou d’autres, en raison de la maladie, qui s’inventent des vies parallèles. Je suis toujours fascinée par la capacité de l’individu à se réinventer quel que soit son milieu, de parvenir à faire avec ce qui l’entoure pour habiter les lieux. Devoir s’adapter à la vie en collectivité à 90 ans est tout de même un sacré challenge ! Il y a un long temps d’adaptation ou parfois l’adaptation n’a pas lieu mais pour celles et ceux qui y parviennent, c’est tout de même remarquable de voir ce qu’ils en font.
Cette résidence de création est arrivée à un moment de ma vie personnelle où j’étais particulièrement sensible à des questions relatives à la perte d’autonomie et l’accompagnement vers la fin de la vie. M’y confronter par un travail artistique m’a fait prendre conscience de la nécessité d’envisager cet état comme un moment de la vie à ne pas cacher, mais au contraire à replacer au cœur de la société. Les institutions médico-sociales sont des réponses apportées pour une meilleure prise en charge des personnes qui ne peuvent faire autrement. Mais pour autant, il faut rendre visible celles et ceux qui y vivent et y travaillent. Il faut faire de ces lieux des places publiques pour ne pas exclure davantage une partie de la population qui ne cesse de s’accroitre. Car nous aussi, dans le meilleur des cas, nous vieillirons.
Ainsi, la dernière semaine que je passe essentiellement à l’Ehpad en raison de l’annulation de rencontres chez des personnes de Lot Aide à Domicile et avec le Foyer de Vie, est l’occasion d’observer avec la vidéo, plus en détail l’occupation des espaces communs. La confiance mutuelle avec les personnes travaillant ou vivant sur place, me permet sans difficulté de poser mon appareil où et quand je le souhaite pour filmer des moments de vie au sein de l’établissement. Une fois le cadre posé, je laisse tourner et entre parfois dans l’image lorsqu’on m’y invite. Je filme des moments que j’ai en tête depuis mes premières venues : des chants occitans dans la discothèque du rez-de-chaussée, des séances de pliage de linge au premier, des moments de jeu dans la salle du milieu, des balades dans les jardins, des séances de jardinage, etc. Je m’éloigne finalement de mon fil rouge qui était au départ la cuisine, car je veux garder en mémoire et partager des images de la vie du lieu. Je commence à visualiser un montage pouvant évoquer la vie sur place et prendre le contre-pied d’un imaginaire sombre associé à la vie en institution ne laissant pas suffisamment place à la diversité des situations existantes au sein de tels établissements.
Parvenir à s’épanouir ici, ne pas subir mais vivre, flirter, rigoler, danser, se moquer parfois : c’est ça que je veux montrer d’elles et eux, non pas des vieux et des vieilles qui subissent et sont victimes d’une institution parfois maltraitante ou du moins négligente (ce qui n’est pas du tout le cas ici), mais des personnes en capacité de recréer un microcosme, prenant des initiatives comme Aristide, le barman du petit déjeuner, Maïté la DJ, Simone et Lucienne les lingères du premier, ou d’autres, en raison de la maladie, qui s’inventent des vies parallèles. Je suis toujours fascinée par la capacité de l’individu à se réinventer quel que soit son milieu, de parvenir à faire avec ce qui l’entoure pour habiter les lieux. Devoir s’adapter à la vie en collectivité à 90 ans est tout de même un sacré challenge ! Il y a un long temps d’adaptation ou parfois l’adaptation n’a pas lieu mais pour celles et ceux qui y parviennent, c’est tout de même remarquable de voir ce qu’ils en font.
Cette résidence de création est arrivée à un moment de ma vie personnelle où j’étais particulièrement sensible à des questions relatives à la perte d’autonomie et l’accompagnement vers la fin de la vie. M’y confronter par un travail artistique m’a fait prendre conscience de la nécessité d’envisager cet état comme un moment de la vie à ne pas cacher, mais au contraire à replacer au cœur de la société. Les institutions médico-sociales sont des réponses apportées pour une meilleure prise en charge des personnes qui ne peuvent faire autrement. Mais pour autant, il faut rendre visible celles et ceux qui y vivent et y travaillent. Il faut faire de ces lieux des places publiques pour ne pas exclure davantage une partie de la population qui ne cesse de s’accroitre. Car nous aussi, dans le meilleur des cas, nous vieillirons.