J’entame cette semaine le second temps de ma résidence, dédiée à la réalisation de photographies avec les personnes vivant et travaillant au sein de l’Ehpad et de la Maison d’Accueil Spécialisée de Castelnau-Montratier. Durant la semaine précédente, j’ai pris le temps de me présenter et de commencer à déterminer avec les personnes rencontrées ce que nous pourrions photographier ensemble. Finalement, je n’irai cette semaine qu’une fois à la mas, l’établissement étant par la suite fermé au public en raison de cas de covid. Durant la matinée passée sur place, j’ai l’occasion de revoir Nicolas et je réalise avec lui des photographies du jardin de son unité de vie dans lequel il place en évidence son vélo. Puis, je photographie la vue depuis la fenêtre de sa chambre. Elle donne sur une maison à peine construite et la campagne environnante. Je réalise également quelques photographies montrant les affiches accrochées aux murs. Le regard photographique que je porte sur l’environnement de ce jeune homme est dicté par ses choix. Si j’avais eu l’occasion de photographier son espace quotidien sans ses directives, je n’aurais pas photographié la même chose sous le même angle. C’est la première fois que je travaille ainsi et, sans renouveler complètement mon approche, cette évolution me permet de donner davantage de place aux personnes. C’est intéressant mais pour autant, comment les photographies produites avec les différentes personnes rencontrées vont-elles résonner entre elles ? Peut-être vais-je pouvoir davantage faire parler les personnes sur les images dans la mesure où elles sont partie prenante d’un certain nombre de choix relatifs à la prise de vue ? Par exemple, j’ai eu l’occasion de me rendre au stade de rugby avec Nicolas, un endroit qu’il affectionne particulièrement. J’ai pris l’initiative d’en faire des photos afin de pouvoir ensuite les lui présenter. En les voyant, il m’a indiqué ce qui était important à ses yeux : les poteaux et les marques au sol. À partir de ces indications, je vais pouvoir retourner sur place faire de nouvelles photographies mettant davantage en exergue ces éléments.
À l’Ehpad, je revois des habitant·es avec lesquel·les j’ai réalisé mes premières photographies 15 jours auparavant et d’autres avec qui je fais connaissance. Je profite d’avoir du temps sur place pour ne pas précipiter le moment de la prise de vue et prendre le temps d’observer et d’échanger. Le fait d’élargir le sujet aux espaces environnants l’ehpad me donne l’occasion d’aller me balader à plusieurs reprises avec des résident·es à Castelnau-Montratier. Je découvre donc le village grâce à elles et eux, guidée par les personnes qui m’accompagnent et par les recommandations des autres qui m’ont décrit le village : les trois moulins, la place devant la mairie, la vue depuis l’église, le collège, l’ancien dancing, etc. Je pars en quête de ces lieux qui ont parfois disparu en essayant d’imaginer les indices qui permettront aux personnes de faire le lien entre passé et présent lorsqu’elles découvriront les images. Parfois, en raison de troubles de la mémoire, les lieux évoqués n’existent plus ou ont tellement changé que la description qui m’en est faite me permet difficilement de les retrouver. Ces marches photographiques rappellent les itinéraires photographiques que nous avons pratiqué avec mes collègues Cécile Cuny et Nathalie Mohadjer dans le cadre de la recherche sur les mondes ouvriers de la logistique1. Inspirée de la méthode des itinéraires proposée par Jean-Yves Petiteau2, elle consiste à mener un entretien avec une personne en marchant sur un parcours familier de son choix durant lequel la personne se raconte. En interaction avec ce témoignage, un·e photographe réalise des images rendant compte de cette relation entre récit de vie et paysages. Ici, la démarche est différente car la personne n’est pas forcément présente. Le travail photographique doit se construire grâce à des allers et retours entre des paysages souvenirs et les paysages actuels.
Pour le moment, je me contente de photographier des paysages, des vues des chambres et des espaces communs dans lesquels commence à apparaître de temps en temps la présence humaine. Ce sont les personnes qui me le demandent, à la mas comme à l’ehpad. Je ne l’avais pas envisagé, mais je trouve cela pertinent. Je vais voir par la suite comment les différents registres d’images dialogueront ensemble. Pour le moment, je cherche, j’observe, j’écoute, je teste. J’ai de la chance d’avoir autant de temps pour travailler, la possibilité de m’extraire du tumulte du quotidien pour vivre une expérience artistique et humaine particulièrement stimulante avec des personnes vivant une autre temporalité, la tête souvent dans le passé, le corps parfois au ralenti.
[1] Cécile Cuny , (dir.), On n’est pas des robots : ouvrières et ouvriers de la logistique. Grâne, Créaphis Editions, 2020.
[2] Elisabeth Pasquier et Jean-Yves Petiteau, La méthode des itinéraires : récits et parcours. In Grosjean M., Thibaud J.-P. (dir.), L'espace urbain en méthodes. Marseille, Parenthèses, p. 63-77, 2001.
À l’Ehpad, je revois des habitant·es avec lesquel·les j’ai réalisé mes premières photographies 15 jours auparavant et d’autres avec qui je fais connaissance. Je profite d’avoir du temps sur place pour ne pas précipiter le moment de la prise de vue et prendre le temps d’observer et d’échanger. Le fait d’élargir le sujet aux espaces environnants l’ehpad me donne l’occasion d’aller me balader à plusieurs reprises avec des résident·es à Castelnau-Montratier. Je découvre donc le village grâce à elles et eux, guidée par les personnes qui m’accompagnent et par les recommandations des autres qui m’ont décrit le village : les trois moulins, la place devant la mairie, la vue depuis l’église, le collège, l’ancien dancing, etc. Je pars en quête de ces lieux qui ont parfois disparu en essayant d’imaginer les indices qui permettront aux personnes de faire le lien entre passé et présent lorsqu’elles découvriront les images. Parfois, en raison de troubles de la mémoire, les lieux évoqués n’existent plus ou ont tellement changé que la description qui m’en est faite me permet difficilement de les retrouver. Ces marches photographiques rappellent les itinéraires photographiques que nous avons pratiqué avec mes collègues Cécile Cuny et Nathalie Mohadjer dans le cadre de la recherche sur les mondes ouvriers de la logistique1. Inspirée de la méthode des itinéraires proposée par Jean-Yves Petiteau2, elle consiste à mener un entretien avec une personne en marchant sur un parcours familier de son choix durant lequel la personne se raconte. En interaction avec ce témoignage, un·e photographe réalise des images rendant compte de cette relation entre récit de vie et paysages. Ici, la démarche est différente car la personne n’est pas forcément présente. Le travail photographique doit se construire grâce à des allers et retours entre des paysages souvenirs et les paysages actuels.
Pour le moment, je me contente de photographier des paysages, des vues des chambres et des espaces communs dans lesquels commence à apparaître de temps en temps la présence humaine. Ce sont les personnes qui me le demandent, à la mas comme à l’ehpad. Je ne l’avais pas envisagé, mais je trouve cela pertinent. Je vais voir par la suite comment les différents registres d’images dialogueront ensemble. Pour le moment, je cherche, j’observe, j’écoute, je teste. J’ai de la chance d’avoir autant de temps pour travailler, la possibilité de m’extraire du tumulte du quotidien pour vivre une expérience artistique et humaine particulièrement stimulante avec des personnes vivant une autre temporalité, la tête souvent dans le passé, le corps parfois au ralenti.
[1] Cécile Cuny , (dir.), On n’est pas des robots : ouvrières et ouvriers de la logistique. Grâne, Créaphis Editions, 2020.
[2] Elisabeth Pasquier et Jean-Yves Petiteau, La méthode des itinéraires : récits et parcours. In Grosjean M., Thibaud J.-P. (dir.), L'espace urbain en méthodes. Marseille, Parenthèses, p. 63-77, 2001.