« Marche et ralentissement. Etude à partir de quelques déambulations », Revue Geste n°6, dossier spécial « Ralentir », novembre 2009, pp150-159
À l’aire de la mobilité généralisée, de l’accélération et des poly-déplacements, la marche impose un rythme alternatif au dictat de la vitesse. Si la lenteur est de rigueur dans cette pratique déambulatoire, certains artistes pour qui la marche est devenue le medium de prédilection appréhendent une variété de rythmes conséquents aux contraintes imposées ou rencontrées. Qu’ils soient inhérents au paysage traversé ou bien relatifs au processus d’enregistrement utilisé, ces ralentissements semblent contribuer à modifier la perception de la trajectoire pratiquée. Car si l’utilisation d’un outil d’enregistrement impose des ruptures au sein d’une marche régulière, la constitution même du territoire peut conduire à ralentir. Mais comment ces ralentissements interviennent-ils au sein des processus artistiques en marche ? En quoi un ralentissement conséquent à l’utilisation d’un appareil d’enregistrement diffère-t-il de celui relatif aux obstacles rencontrés ? Si Laurent Malone se présente avant tout comme étant photographe, c’est parce qu’il interroge la place de la photographie au sein d’une pratique des trajectoires. L’outil d’enregistrement doit trouver sa place au sein du processus créatif afin de devenir la mémoire d’une traversée révélant l’actualité d’un territoire. Dans le travail de ce photographe, l’image fixe ou mouvement révèle le déplacement fondateur de la démarche artistique. Au sein des transects effectués, l’utilisation de la photographie se révèlent comme un frein à la linéarité du déplacement. Si certaines marches invitent à déambuler tout en enreigstrant à l’aide d’une caméra le parcours effectué ( Ground Zero), certaines nécessitent des arrêts fréquents et réguliers, comme autant de ponctuation au sein de la déambulation. Véritable contrainte, la réalisation de l’image dicte la narration du déplacement. C’est ainsi que pour JFK, marche reliant Manhattan Dowtown à l’aéroport Kennedy et réalisée en 1997 avec Dennis Adams, les deux artistes effectuent 243 paires d’images, sachant que pour chaque photographie réalisée par l’un des protagonistes devait être suivie par la réalisation d’une image par le second, devant se placer à 360 degrés du cadre précédent, sans être pour autant autoriser à cadrer et à modifier les réglages de l’appareil. A cette contrainte technique, s’ajoute une contrainte physique, celle d’effectuer le parcours le plus direct possible, imposant de traverser des espaces d’ordinaire non praticables à pied, tels que les voies express. Le transect, défini comme étant un relevé d’informations à travers un espace en suivant une ligne droite, impose de se confronter à la complexité du territoire traversé. Si le parcours ne s’effectue pas que sur le bitume, les deux artistes se doivent de déambuler au rythme des accélérations et ralentissements constituant la marche. Aussi, lorsque Laurent Malone se réfère à la méthode de l’Azimut Brutal pour rejoindre le centre ville de Naples depuis sa périphérie, il se confronte non seulement à l’impossibilité de suivre cette ligne droite vers l’horizon à cause des obstacles physiques rencontrés, mais aussi se doit de ralentir afin d’enregistrer régulièrement, à l’aide d’une caméra vidéo, l’avancé de son parcours. La vidéo ainsi produite, constituée d’un enchaînement de plans fixes rendant compte de l’avancé de la marche. Sur certain, le but de la marche est visible en arrière plans, alors que sur d’autres, un obstacle barre le champ de vision. Ces obstacles physiques sont autant de ralentissement au rythme régulier de la marche, auxquels se rajoutent les arrêts imposés par l’enregistrement vidéo. Si les marches de Laurent Malone sont ponctuées par différents motifs conduisant à en ralentir le rythme lent et donc irrégulier, le collectif Ici-même fait du ralentissement le principe fondateur d’une approche allant à l’encontre du dictat de la vitesse. Pour ces artistes, la marche est un moyen d’éprouver l’environnement et de créer des fictions au sein d’un contexte le plus souvent urbain. Ralentir, c’est être à l’écoute de l’espace et du temps présent et d’appréhender autrement la pratique des trajectoires. Aussi, les marches du collectif donnent lieu à des expérimentations invitant à la confrontation avec des contraintes inhérentes au paysage, comme imposé par les artistes. Pratiquant également le transect, ils ont notamment proposé des déambulations pour lesquelles tous les participants portent un tuyau de plusieurs mètres de long, les liant ainsi les uns aux autres. Afin de respecter le tracé en ligne droite, le passage négocié par des habitations devient à son tour motif à ralentissement. La négociation et le bon vouloir des habitants rencontrés déterminent la réussite de la marche, dont chaque participant devient un élément constituant et indispensable à l’avancé du groupe, par le biais de la partie du tuyau portée. Cet élément ajouté n’est pas sans rappeler l’approche de Gustavo Ciriaco et Andrea Sonnberger, artistes proposant des marches à l’intérieur d’un élastic, devenant ainsi une frontière entre la fiction crée par les artistes et l’univers urbain arpentée. Pour être réalisable, la marche doit être effectué par un groupe d’au moins une dizaine d’individus, afin que l’élastic, structure englobante, soit maintenu en tension. Au sein de l’enclos, chaque marcheur peut soit subir le rythme imposé par ce qui devance la marche, soit se positionner aux extrémités de la zone, contre l’elastic et porter le groupe ou bien, à l’arrière en ressantant et subissant corporellement les accélérations et ralentissements des autres. La marche est tout d’abord dirigée par les deux artistes à l’initiative de la déambulation, qui peu à peu passe le relais aux participants, devant à la fois être à l’écoute des tensions des autres marcheurs, mais aussi modeler la forme élastique en fonction de l’espace traversé. C’est alors que le groupe peut ralentir et s’étirer à souhait pour s’immicer entre les voitures et façades, alors qu’il pourra accélérer et se déployer sur une esplanade, face au regard interloqués des passants.
À l’aire de la mobilité généralisée, de l’accélération et des poly-déplacements, la marche impose un rythme alternatif au dictat de la vitesse. Si la lenteur est de rigueur dans cette pratique déambulatoire, certains artistes pour qui la marche est devenue le medium de prédilection appréhendent une variété de rythmes conséquents aux contraintes imposées ou rencontrées. Qu’ils soient inhérents au paysage traversé ou bien relatifs au processus d’enregistrement utilisé, ces ralentissements semblent contribuer à modifier la perception de la trajectoire pratiquée. Car si l’utilisation d’un outil d’enregistrement impose des ruptures au sein d’une marche régulière, la constitution même du territoire peut conduire à ralentir. Mais comment ces ralentissements interviennent-ils au sein des processus artistiques en marche ? En quoi un ralentissement conséquent à l’utilisation d’un appareil d’enregistrement diffère-t-il de celui relatif aux obstacles rencontrés ? Si Laurent Malone se présente avant tout comme étant photographe, c’est parce qu’il interroge la place de la photographie au sein d’une pratique des trajectoires. L’outil d’enregistrement doit trouver sa place au sein du processus créatif afin de devenir la mémoire d’une traversée révélant l’actualité d’un territoire. Dans le travail de ce photographe, l’image fixe ou mouvement révèle le déplacement fondateur de la démarche artistique. Au sein des transects effectués, l’utilisation de la photographie se révèlent comme un frein à la linéarité du déplacement. Si certaines marches invitent à déambuler tout en enreigstrant à l’aide d’une caméra le parcours effectué ( Ground Zero), certaines nécessitent des arrêts fréquents et réguliers, comme autant de ponctuation au sein de la déambulation. Véritable contrainte, la réalisation de l’image dicte la narration du déplacement. C’est ainsi que pour JFK, marche reliant Manhattan Dowtown à l’aéroport Kennedy et réalisée en 1997 avec Dennis Adams, les deux artistes effectuent 243 paires d’images, sachant que pour chaque photographie réalisée par l’un des protagonistes devait être suivie par la réalisation d’une image par le second, devant se placer à 360 degrés du cadre précédent, sans être pour autant autoriser à cadrer et à modifier les réglages de l’appareil. A cette contrainte technique, s’ajoute une contrainte physique, celle d’effectuer le parcours le plus direct possible, imposant de traverser des espaces d’ordinaire non praticables à pied, tels que les voies express. Le transect, défini comme étant un relevé d’informations à travers un espace en suivant une ligne droite, impose de se confronter à la complexité du territoire traversé. Si le parcours ne s’effectue pas que sur le bitume, les deux artistes se doivent de déambuler au rythme des accélérations et ralentissements constituant la marche. Aussi, lorsque Laurent Malone se réfère à la méthode de l’Azimut Brutal pour rejoindre le centre ville de Naples depuis sa périphérie, il se confronte non seulement à l’impossibilité de suivre cette ligne droite vers l’horizon à cause des obstacles physiques rencontrés, mais aussi se doit de ralentir afin d’enregistrer régulièrement, à l’aide d’une caméra vidéo, l’avancé de son parcours. La vidéo ainsi produite, constituée d’un enchaînement de plans fixes rendant compte de l’avancé de la marche. Sur certain, le but de la marche est visible en arrière plans, alors que sur d’autres, un obstacle barre le champ de vision. Ces obstacles physiques sont autant de ralentissement au rythme régulier de la marche, auxquels se rajoutent les arrêts imposés par l’enregistrement vidéo. Si les marches de Laurent Malone sont ponctuées par différents motifs conduisant à en ralentir le rythme lent et donc irrégulier, le collectif Ici-même fait du ralentissement le principe fondateur d’une approche allant à l’encontre du dictat de la vitesse. Pour ces artistes, la marche est un moyen d’éprouver l’environnement et de créer des fictions au sein d’un contexte le plus souvent urbain. Ralentir, c’est être à l’écoute de l’espace et du temps présent et d’appréhender autrement la pratique des trajectoires. Aussi, les marches du collectif donnent lieu à des expérimentations invitant à la confrontation avec des contraintes inhérentes au paysage, comme imposé par les artistes. Pratiquant également le transect, ils ont notamment proposé des déambulations pour lesquelles tous les participants portent un tuyau de plusieurs mètres de long, les liant ainsi les uns aux autres. Afin de respecter le tracé en ligne droite, le passage négocié par des habitations devient à son tour motif à ralentissement. La négociation et le bon vouloir des habitants rencontrés déterminent la réussite de la marche, dont chaque participant devient un élément constituant et indispensable à l’avancé du groupe, par le biais de la partie du tuyau portée. Cet élément ajouté n’est pas sans rappeler l’approche de Gustavo Ciriaco et Andrea Sonnberger, artistes proposant des marches à l’intérieur d’un élastic, devenant ainsi une frontière entre la fiction crée par les artistes et l’univers urbain arpentée. Pour être réalisable, la marche doit être effectué par un groupe d’au moins une dizaine d’individus, afin que l’élastic, structure englobante, soit maintenu en tension. Au sein de l’enclos, chaque marcheur peut soit subir le rythme imposé par ce qui devance la marche, soit se positionner aux extrémités de la zone, contre l’elastic et porter le groupe ou bien, à l’arrière en ressantant et subissant corporellement les accélérations et ralentissements des autres. La marche est tout d’abord dirigée par les deux artistes à l’initiative de la déambulation, qui peu à peu passe le relais aux participants, devant à la fois être à l’écoute des tensions des autres marcheurs, mais aussi modeler la forme élastique en fonction de l’espace traversé. C’est alors que le groupe peut ralentir et s’étirer à souhait pour s’immicer entre les voitures et façades, alors qu’il pourra accélérer et se déployer sur une esplanade, face au regard interloqués des passants.